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Vis ma vie d’exploitant bio :  Guillaume, maraicher à la ferme des routes (Bésayes)

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Bonjour à tous,

Ce lundi, je vous propose de continuer notre série de reportages à la découverte des agriculteurs bio du côté de la Drôme. 🙂

Après une escapade auprès des Sylvain et des brebis laitières, de Thomas dans la boulangerie paysanne, je vous propose une troisième et dernière escale à la Ferme des Routes de Bésayes autour du maraichage. Nous allons à la rencontre de Guillaume, un des deux maraichers de la ferme. Le reportage a été réalisé début mai, alors que les légumes pointaient peu à peu le bout de leur nez et que la saison estivale se préparait, une période charnière pour le maraichage.  Allons, venez !

Rappel : Autres billets de la série :

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« Redonner du sens »

Je rencontre Guillaume à la pause-café de 8H30 entre tous les agriculteurs de la ferme. Le moment est convivial : on parle de la famille, de la météo, mais on s’organise aussi pour les livraisons de la journée. Quand chacun repart à ses activités, je négocie avec les agriculteurs une visite des serres et des champs. C’est Guillaume qui se dévoue pendant que les autres maraîchers filent vers pour les récoltes du matin.

Tout en marchant vers les champs, je l’interroge sur son parcours. Il sourit.  Passionné par l’environnement, il a d’abord été ingénieur HSE (Hygiène Santé Environnement) dans une grande entreprise de bâtiment, espérant mettre un peu de « vert » dans les pratiques industrielles : « Mais en vrai, avoue-il, on te demande d’être là mais il ne faut surtout pas faire de bruit, pas déranger. » Il a fini par en avoir assez de cette position de faire valoir sans impact, puis est devenu consultant en éco-construction. « La encore, tu dis quelque chose pour faire avancer l’environnement, mais on ne t’écoute pas ». A il y a trois ans, il a tout plaqué pour se tourner vers l’agriculture biologique et le maraîchage « C’est difficile, mais cela m’a permis de redonner du sens à mon activité professionnelle » conclu-t-il

 

Maraicher bio auprès de la ferme des routes à Bésayes

 

50 à 60 variétés de légumes

Nous arrivons au niveau des premières lignes maraichères, accueillis par des groseilles et d’immenses pieds de rhubarbe.  Il me présente le périmètre de l’activité :  Actuellement, ils cultivent 1200 m² de serres non chauffées et 3hectares de plein champ (Nb : en moyenne 10% des terres maraichères sont des serres). Les serres permettent de disposer de légumes en avance vis-à-vis du plein champ ainsi aussi une moindre dépendance aux climat.

« On aussi fait le choix d’une grande diversité de légumes, m’explique Guillaume. Il y a 50 à 60 espèces de plantes, ce qui permet d’apporter de la biodiversité et éviter de dépendre d’une seule culture et des aléas de saison. Si on perd une culture ce n’est pas grave, les autres prennent le relais. »

En discutant, nous passons devant les premières lignes de plein champ. En ce début de mai, les premières fraises arrivent, les salades sont fringantes, les plantes de pomme de terre nouvelle s’étirent sur de longues lignes. Au loin les associés de guillaume s’activent pour la récolte du matin. Plusieurs magasins doivent être livrés aujourd’hui et il ne faut pas traîner.

 

 

 

Nous partons visiter les 3 serres, où Guillaume veut me montrer la diversité des plantations. Dans une première serre, les tomates arborent leurs premiers fruits et les aubergines poussent gentiment. Je m’émerveille des fleurs de poivron sous l’œil amusé de maraîcher.

 

 

 

Dans la deuxième serre, les haricots rampes s’accrochent déjà pour grimper vers le soleil, et les courgettes pointent le bout de leur nez. J’apprends une petite astuce de la part de Guillaume pour gagner de la place au potager : faire grimper les plans de concombre ! « Avec un bon grillage, ils peuvent tout à fait pousser en l’air, (et c’est moins fatiguant à récolter ! »

 

De gauche à droite : concombre, haricots, et courgettes en bas

 

Dans la troisième, je découvre les cébettes qui nous régalent depuis début avril à Court-Circuit, des choux rave, des betteraves, des fenouils. Même en ayant un potager, c’est surprenant pour moi de découvrir tous ces légumes en terre. Vous imaginiez vous toute cette diversité de formes et de feuilles ?

 

(de haut en bas, gauche à droite : oignons doux, fenouil chou rave ;  mesculn, betterave)

 

 

Les journées se ressemblent.. ou pas

Alors que nous quittons les serres, je questionne Guillaume sur les activités quotidiennes des maraîchers.  En raison des délais de livraison, les journées sont plutôt bien organisées : début autour de 8H30 pour réaliser les récoltes à la main. Toute la matinée est dédiée aux récoltes et à la préparation des plateaux à destination des points de vente. L’après-midi, ils se consacrent aux travaux de plantation, désherbage, entretien.  « Quand il faut récolter, peu importe la météo, on doit y aller ; dit-il.  Samedi et dimanche compris, surtout quand il s’agit de courgettes ! A côté, on tente de garder quelques travaux d’intérieurs ou la paperasse pour les jours de froid ou de mauvais temps ».

 

Maraicher bio auprès de la ferme des routes à Bésayes

 

Je le questionne sur les journées d’hiver. Il me dit qu’ils font des plantations tous les 15 jours, en toute saison, même hiver. C’est avec cette méthode qu’ils assurent une disponibilité de nouveaux légumes tout au long de l’année. « Et en janvier, on réalise surtout le plan de culture de l’année :  on a des tableaux avec la date de semis/installation, la/les variétés de plantes, le numéro des parcelles. On le fait le plus pratique possible, en plantant dans la même parcelle à chaque session. »

Nous arrivons dans les champs maraîchers. Début mai, les légumes ne sont pas encore foisonnants. Sur la parcelle considérée, les pommes de terre pointent tout juste leur nez

 

 

Nous avançons sur les chemins, nous éloignant de la ferme, puis ce sont des rangées des fèves et de petits pois qui apparaissent :

Dans les champs, je lui parle des brebis que j’ai croisé dans la matinée : « Elle sont indispensables à la production maraichère, dit-il, en apportant l’engrais. Les cultures sont tournantes ici : pendant 5 ans, une parcelle sert à la production de légumes, puis on plante de la luzerne servant pour les brebis et apportant de l’azote pour regénérer le sol. Il y a ensuite de la prairie, les brebis viennent paître, fertilisent, puis on peut re-cultiver la parcelle en maraichage ».

En parlant de ces dames, on les aperçoit au loin en train de gambader dans un champs :

Maraicher bio auprès de la ferme des routes à Bésayes

 

 

On fait le tour des parcelles de pois, puis arrivons sur des parcelles de blettes, d’oignons, parfois encore bâchées en raison des récents coups de froid. Évoquant avec lui des idées cuisine avec les blettes, je fini par lui demander quels sont les « best-sellers » de la ferme. Il réfléchit : « Carotte, patate, courge, oignons, les classiques en fait.  En ce moment, les pommes de terre nouvelles marchent très bien. »

 

 

Le bio ? une évidence !

Alors que nous terminons notre tour  des parcelles et arrivons devant celles tout récemment préparées pour plantations, je lui demande de m’expliquer un peu leur méthode d’entretien des sols. Pour avoir lu beaucoup de choses sur le sujet, j’ai compris que le labour profond (40cm) et régulier n’apportait que de la destruction écologique…

« On est faiblement mécanisés, dit-il. En fait, on laboure 1 première fois à 10-20cm après les plantations de luzernes, puis on met en place des planches permanentes pour les 5 ans de maraîchage puis on laisse tranquillle. On bâche juste la ligne de plantation au moment de la culture afin limiter l’apparition des herbes sauvages. »

 

Je lui demande le temps que prends le désherbage manuel, n’arrivant déjà pas toute seule à m’occuper de mon bout de potager.  « Beaucoup de temps, avoue-t-il, quand on fait tout à la main  !».  Lors de la culture, tout est désherbé à la main. Après cultures, les bâches sont retirées, de l’engrais est ajouté, incorporé à la grelinette (« fourche écologique »), puis de nouvelles plantations / bâches sont remises en place. Les sols sont vraiment travaillés à minima pour préserver sa richesse organique.

Je lui pose la question du choix de la démarche bio « C’était une évidence ! s’exclame-t-il. De un, on n’empoisonne pas les sols et les gens, et de deux cela permet d’avoir un cycle de culture puis respectueux du cycle naturel des plantes. » ( i.e. pas de  culture hors sol, serres chauffées, soins systématiques) . M’engouffrant dans le concept,  je le questionne sur les traitements autorisés en agriculture « En fait, explique-t-il ; en agriculture bio : un problème = 1 traitement doux (par exemple du cuivre pour des champignons), rien de plus. La nature se débrouille ensuite ».

 

« Je me sens plus libre ». 

Alors que nous revenons à la ferme, je vois ses collègues s’activer sur la préparation des caisses de légumes à livrer dans l’après-midi. Je me rends compte d’un coup que le maraichage ce n’est pas que la culture de champs, c’est aussi beaucoup de manutention.  Ramasser, porter, nettoyer, mettre en caisse les légumes, livrer. . Il y a beaucoup plus de travail que ce l’on pense naïvement.

 

Maraicher bio auprès de la ferme des routes à Bésayes

 

Juste avant de retourner chez les brebis, je demande à Guillaume son bilan de reconversion comme maraîcher bio : « Aucuns regrets, dit-il, Je me sens plus libre : je n’ai plus un patron qui me donne des ordres pour des activités auxquelles je ne crois pas. Je n’ai plus cette obligation d’être ce que je ne suis pas.  J’ai redonné un vrai sens à mon travail. »

Je retrouve dans ses paroles les mêmes constats que Thomas et Sylvain : Retrouver du Sens pour sa vie, avec son lien avec la terre, les animaux, la nature.

Nous nous quittons sur ces mots. En retournant dans la ferme retrouver les brebis, je me rends compte à quel point cette « Ferme des Routes » tourne en un système symbiotique : les pâtures donnent à manger aux brebis, les brebis fertilisent les champs pour les cultures maraîchères, les légumes laissent ensuite place aux céréales.  Maraîchers, éleveurs, paysans boulanger s’entre-aident comme une vraie communauté.

Une exploitation bio, au final, c’est un tout qui permet à la nature et aux hommes de vivre bien, et en harmonie entre eux et avec eux même. Un modèle à suivre….

 

Ou trouver les légumes de la ferme des routes ?

Pour ceux qui habitent du côté de Romans sur Isère, Valence, vous pouvez retrouver les produits de la ferme :

  •  Vente directe à la ferme des routes (Nord de Bésayes) (cf site internet)
  • Court circuit à Chabeuil
  • Biocoop à Romans sur Isère
  • Collines Bio à Bourg de Péages

2 commentaires sur “Vis ma vie d’exploitant bio :  Guillaume, maraicher à la ferme des routes (Bésayes)”

  1. Reportage magnifique, quel plaisir de découvrir ta région de cette manière, aussi !!!
    Ayant été absente, je vais me faire une grande joie de tous les lires, celui-ci est passionnant, alors les autres aussi…
    J’aime tes questions, bien choisies, tous est programmé au millimètre … Félicitations et un énorme Merci

    1. Bonjour,
      Merci pour le retour, je suis vraiment contente (pour les lecteurs et pour les agriculteurs) que ces reportages intéressent. C’est important pour moi en tant que consom’actrice d’essayer de montrer la « vraie vie du bio », loin de ce que l’on voit dans les médias et des pires extrémités montées. Il y a des solutions respectueuses de l’environnement et ses personnes en on trouvée.
      Pour les questions, non ce n’est pas millimétré, c’est juste que je suis très curieuse (et admirative de leur travail) 😉
      Au plaisir de vous retrouver pour la suite des reportages 🙂

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